Dans la vie personnelle ou professionnelle, toute perte occasionne un travail de deuil. L’intensité de la souffrance occasionnée est à l’aune de l’implication affective et émotionnelle de l’objet perdu et sera différente pour chaque individu. Ignorer ce travail de deuil dans l’entreprise équivaut à rentrer dans un cercle vicieux de démotivation, rejet, agressivité, échecs à répétition, etc…
Cet article vous aidera à comprendre les étapes à prévoir dans tout nouveau projet de changement.
La perte dans l’entreprise
Tout changement dans l’entreprise, minime ou abyssal, occasionnera un deuil pour les individus, que ce changement soit:
- humain, avec le départ d’un manager ou d’un collègue apprécié, la mort d’un personnage clé qui avait créé les valeurs de l’entreprise,
- organisationnel, avec une fusion ou une réorganisation,
- fonctionnel, avec un changement d’outil informatique impliquant une perte de temps, de compétences et de légitimité dans certains services,
- matériel, avec un déménagement de bureau (au bout du couloir ou dans une autre région)
La souffrance associée sera proportionnelle à l’implication affective et émotionnelle dans l’objet de la perte.
Il est important de ne pas ignorer cette étape car un travail du deuil incomplet entretiendra la nostalgie des « C’était mieux avant… » et l’économie de temps ne sera que sur le court-terme. Sur le long-terme, la perte continuera d’avoir des effets sur le moral des collaborateurs et empêchera la nouvelle situation de se développer positivement.
Le deuil, une étape vitale
Elisabeth Kübler-Ross, psychiatre de renommée internationale, a très bien modélisé la courbe du deuil. Ces étapes s’appliquent universellement autant dans la vie privée que dans la vie professionnelle.
Chaque deuil doit suivre ces 9 étapes. Le temps passé sur chaque étape dépendra de l’individu et de la situation.
Ces étapes peuvent être distinguées en deux phases:
- la phase de décroissance :
- le choc : la personne est sidérée par l’annonce
- le déni : pour éviter de commencer à vivre le deuil, l’annonce est refusée en bloc
- la colère : en position de victime, la personne cherche un responsable à cette injustice
- la peur : la personne prend conscience de la perte et commence à craindre le futur et son inconnu
- la tristesse : dernière étape négative, en acceptant la perte et ses conséquences, la personne touche le fond ce qui lui permettra de commencer à remonter la pente
- la phase de croissance :
- l’acceptation: la personne est capable de regarder vers l’avant et de « faire avec »
- le pardon : la personne ne se sent plus coupable et elle commence à pardonner les auteurs de la perte
- la quête de sens et le renouveau : la personne commence à voir les bénéfices du changement et les possibilités à venir. A cette étape le deuil est fait et la nouvelle situation a été acceptée.
- la sérénité et la croissance : la personne a tourné la page et démarre de nouveaux projets. Elle peut redevenir innovante.
Le deuil est le passage obligatoire entre la séparation de ce que l’on avait et connaissait et l’adoption de la nouveauté. Même si la nouveauté est meilleure pour les collaborateurs que ce qui a été perdu, le passage du deuil devra se faire.
Le rôle du coach
Un coach pourra prévoir et accompagner le deuil lors d’un changement dans le cadre de l’entreprise.
Sa position externe à l’entreprise et sans aucune implication affective et émotionnelle, lui permettra d’écouter et d’accompagner les échanges nécessaires.
Il pourra également mettre en place les rituels nécessaires à chaque étape que ce soit lors de communications, de séminaires ou d’ateliers courts.
Les points sur lesquels il sera vigilant car ils empêchent un processus de deuil sain et bloquent le changement, seront par exemple:
- les secrets, les non-dits et les rumeurs sur la cause du changement après un départ soudain d’un manager
- la culpabilité ressentie par certains collaborateurs ou fonctions par rapport à la responsabilité dans la perte d’emplois, la fermeture d’une filiale ou l’arrêt d’une ligne de produits par exemple
- remplacer le fatalisme ambiant par la responsabilisation de chacun
- préparer la venue du remplaçant dans le cas d’un départ. Attention, quand on place une nouvelle personne en interim en attendant l’arrivée du nouveau, il faut se préparer à parfois vivre deux deuils. Aussi quand l’attente du nouveau dure, cela bloque le processus du deuil car le futur comporte encore trop d’éléments inconnus.
- s’assurer que les nouveaux projets et décisions vont terminer le deuil et non le prolonger en répétant les échecs
Conclusion
Dans certains cas, par exemple lors d’un départ soudain dû à un décès ou un licenciement pour faute grave, un changement ne peut être préparé et communiqué avec soin.
Dans les autres cas, par exemple les réorganisations, les fusions ou les changements d’outils informatiques, il est important que le changement prenne en compte et prépare les étapes nécessaires au deuil.
Souvent, ces étapes sont omises car les équipes dirigeantes travaillent des semaines ou même des mois sur ce changement ce qui leur permet de vivre eux-même les étapes du deuil progressivement et souvent sans s’en rendre compte. Quand l’annonce arrive, elles se retrouvent désynchronisées avec leurs équipes et ne comprennent pas ce chaos disproportionné par rapport à leurs prévisions.
J’insisterai donc encore sur le fait que le processus du deuil doit être planifié dans chaque projet comportant des changements qui impacteront les collaborateurs dans leur identité, leur outil de travail, leurs relations professionnelles ou leurs projets personnels et professionnels.