Je continue ma série sur les compétences relationnelles d’un manager (exemplaire évidemment…). Je vous ai parlé dans mes derniers articles du feedback et de l’assertivité.
Pour rappel, l’assertivité c’est quand je m’adresse à l’autre en me respectant et en le respectant.
Ni paillasson, ni hérisson…
Aujourd’hui je vais vous parler d’un sujet très lié : la confrontation. C’est un sujet dont nous parlons beaucoup avec les dirigeants et les managers car leur capacité à (se) confronter est directement liée à leur capacité à travailler ensemble pour atteindre les résultats attendus.
Je vais essayer de vous expliquer comment on ne peut pas confronter sans règles ni engagement, que la confrontation est un moyen efficace pour atteindre les résultats et pourquoi cela parait si paradoxal de confronter afin d’éviter les conflits.
Mais qu’est-ce que la confrontation ?
Ce n’est pas l’affrontement qui pourrait être défini comme « faire front contre ». Confronter, c‘est « faire front avec ».
Confronter c’est oser dire à l’autre ce qui n’est pas OK, avec assertivité et avec l’intention positive de le responsabiliser.
Le mois dernier, dans le cadre de mes missions chez Progress Partners, j’ai accompagné un comité de direction en coaching collectif. Le sujet de la confrontation a été très présent pendant la journée. Pour clore la journée, j’ai demandé à chacun, entre autre chose, de trouver une image qui représentait la journée.
Un des participants, Guillaume Rousselle, le Responsable Sécurité dans cette usine Bonduelle, a donné cette image de la confrontation :
Pour moi, la confrontation, c’est comme un terrain de sport. Deux équipes se confrontent et c’est possible car il y a des règles. Au sein de chaque équipe, les joueurs peuvent aussi se confronter afin d’assurer la victoire.
Guillaume Rousselle, Responsable Sécurité, Bonduelle
Guillaume a mis le doigt sur les deux principes clés de la confrontation : les règles et la responsabilité.
Les règles en soutien de la confrontation
Quand je commence une séance de coaching ou de formation, je vais très rapidement mettre en place les règles de vie de la journée. Par exemple, une de ces règles est « écouter sans jugement ». Si tous les participants sont d’accord avec cette règle, je pourrai alors les confronter dès que je sens un jugement dans leurs échanges en rappelant la règle. Cela me permet d’être assertive dans cette confrontation. Cela empêche mon interlocuteur de rentrer dans un débat stérile. Il ne peut que prendre sa responsabilité sur le fait qu’il savait qu’il ne fallait pas être dans le jugement et qu’il l’a fait.
Le principe est clair : je ne peux pas te confronter sur tes comportements si je ne t’ai pas expliqué ce que j’attendais avant.
Si je reprends la métaphore du terrain de sport, le joueur connait les règles du jeu. Il sait que s’il a un comportement violent il sera sanctionné. Et que s’il conteste cette sanction, il sera doublement sanctionné. Les règles obligent le joueur à être responsable dans son jeu.
La confrontation au service de la responsabilisation
La confrontation ne se fait pas toujours dans une situation de manquement des règles. Elle peut se faire aussi face à un engagement non respecté.
Si un joueur traine des pieds sur le terrain et ne se bat pas pour la victoire, les autres joueurs pourront le confronter sur son engagement. L’équipe est sur le terrain pour gagner et chacun est responsable de donner le meilleur de lui-même.
C’est la même chose dans un comité de direction. Tous sont là pour atteindre les résultats. Une complaisance face aux résultats entraine une déresponsabilisation de chacun. La capacité des dirigeants à se confronter leur permet d’être responsables face à leurs engagements et à faire front ensemble face à l’adversité.
Pourquoi est-ce si dur ?
La qualité relationnelle au sein des équipes est proportionnelle à leur capacité à se confronter. Savoir oser dire quand ils ne font pas ce qui est attendu d’eux sans altérer le lien entre eux.
Pour beaucoup, confronter est synonyme de démarrer un conflit. Ca ne l’est pas et je peux même assurer qu’éviter la confrontation dans une situation mènera sûrement à un conflit plus tard. Et ce conflit suivra une période plus ou moins longue de non-dits, démotivation et tensions.
Quand l’équipe de France de football a perdu dès les qualifications en Afrique du Sud en 2010, la crise a eu son apogée lors de la grève des joueurs mais cela a suivi une période de tensions et ils avaient déjà été malmenés pendant les éliminatoires. Quand est-ce que la confrontation a manqué entre les joueurs et l’équipe dirigeante ? Nous pouvons faire l’hypothèse que les opportunités de confrontation saine n’ont pas été saisies et que la situation s’est dégradée petit à petit. Le résultat : une situation gérée jusqu’à l’Assemblée Nationale et une réputation de l’équipe de France ternie internationalement.
Est-ce que la dégradation progressive d’une situation qui finit en crise dépassant largement le périmètre du comité de direction, est une situation vue et revue dans les entreprises ? Oui
Paradoxalement, le manque de confrontation vient souvent d’une volonté de ne pas empirer la situation. On ne veut pas être conflictuel, mettre de l’huile sur le feu ou aggraver la situation…
Se confronter nécessite un respect de l’autre et une relation adulte-adulte où chacun prend ses responsabilités. Cela ne se décrète pas mais se construit petit à petit.
La culture d’entreprise peut aussi rendre la confrontation plus facile en encourageant les comportements confrontants ou en les intégrant dans la structure elle-même.
Les entreprises qui mettent en place l’Excellence Opérationnelle, le Lean ou l’agilité, intègrent dans leurs pratiques des moments de confrontation. Ils sont portés par exemple par des rituels, un état d’esprit, des valeurs ou des comportements attendus.
D’autres entreprises promeuvent une culture du feedback, une culture de la confiance ou une culture de la responsabilisation. Cela induit une culture de la confrontation. La capacité à se confronter est inévitable pour donner un feedback constructif, faire confiance ou déléguer le pouvoir.
Et vous, où en êtes-vous dans votre équipe ? Quels sont les moments où vous pourriez être confrontant ? Qu’est-ce qui vous permettrait de le faire ? Que se passe-t-il quand vous ne vous confrontez pas ?
Pour moi, dans mon métier de coach, je me retrouve souvent à accompagner des équipes qui se confrontent difficilement. Quand je leur parle de travailler la confrontation, c’est un sujet qui les rebute particulièrement….
J’adore le moment où ils se rendent compte qu’ils savent maintenant se confronter… et que ça fait même pas mal. Ils appellent d’ailleurs ça « se parler »… Tout simplement et avec assertivité…
Pour aller plus loin sur les compétences managériales :